Katherine nageait littéralement dans un bonheur sans nom depuis un mois déjà. Aujourd'hui ne faisait pas exception. Rien ne pouvait altérer son bonheur actuel, ni son manque de sommeil , ni ses nausées matinales. Ce matin, alors qu'elle était levée depuis l'aurore n'ayant dormi que trois heures et donc qu'elle était bien fatiguée, elle s'agitait déjà dans le salon de l'appartement, essayant tout de même de ne pas réveiller son compagnon. Elle avait nettoyé le sol, enfourné des viennoiseries au four dont la douce odeur s'échappait pour lui chatouiller agréablement les narines, ouvert et refermé son nouveau livre passionnant. Puis elle s'était écroulée sur le canapé sans plus de cérémonies, les yeux fixés sur l'écran de télévision préalablement allumé même si elle avait coupé le son. Elle regardait les images défiler sans vraiment les voir, perdue dans ses pensées tandis qu'elle essayait d'imaginer la journée d'aujourd'hui. Une journée qu'elle allait passer avec Raiden au cinéma. Quand la jeune femme entendit les ressorts du lit grincer, elle sauta ni une ni deux dans la salle de bain. Une rapide douche plus tard, elle sortit et rejoignit la cuisine avec empressement. Ses yeux pétillants se posèrent sur Raiden qu'elle vint embrasser.

Une heure plus tard, tous deux habillés et prêts à partir, ils quittèrent l'appartement. Le sourire aux lèvres, la musicienne serrait affectueusement les doigts de son bien-aimé entre les siens et prenait plaisir à l'observer. Le temps s'était améliorée en cette période de l'année ; il faisait beau, chaud. Les fleurs de cerisier avaient éclos et submergeaient déjà les trottoirs de la ville. La robe fluide dont elle était vêtue avait la même couleur que ces pétales de cerisier. Avoir retrouvé les douces températures de ces beaux jours la rendaient plus heureuse qu'elle ne l'était déjà. Elle rayonnait et s'épanouissait.

Arrivés au cinéma, ses yeux bleus se perdirent dans le vague. Elle secoua la tête, s'arrachant à ses pensées avant de reporter l'attention sur Raiden.

- Tu as une idée du film que tu veux regarder ?

Elle espérait quelque chose de comique. Ses nerfs étant à fleur de peau, elle n'était pas certaine de supporter un film tragique ou d'horreur. Elle risquait de pleurer comme une fontaine. Et même si elle ne serait certainement pas la seule, elle préférait éviter.

Ecoutant attentivement le résumé du film que Raiden lui lisait, Katherine scrutait en même temps les autres affiches. Puis finalement elle acquiesça, conquise par le film qu'il avait choisi. Achetant donc les billets, ils partirent bras dessous, bras dessus vers la salle de diffusion, décidant de profiter qu'il y est peu de mondes à ce moment pour trouver des places qui leur conviennent. Arrivés à bon port, ils s'assirent côte à côte, elle s'enfonçant dans son siège et ne tendant qu'une main délicate vers l'accoudoir pour serrer celle de son compagnon. Lissant la jupe de sa robe, de sa main libre, elle souffla tranquillement, contente de n'avoir rien à faire de plus que de se tenir à côté de lui, heureuse de ne pas avoir à se fatiguer dans des entraînements de musique qui la stressaient tout au long de la journée. En cherchant constamment à faire le meilleur, elle s'épuisait. Mais elle était tout de même ravie de pouvoir faire ce qu'elle aimait tant, quand bien même ce n'était pas de tout repos.

Ses iris bleutés vinrent se poser sur son bien-aimé et, aussi tendrement qu'à son habitude, elle vint effleurer de ses lèvres son front. Elle lui sourit, pressa délicatement la main entrelacée avec la sienne et ajouta de sa voix claire :

- Je suis contente qu'on puisse se retrouver le week-end.

La jeune femme n'avait que peu d'occasions de le voir pendant la semaine malgré qu'ils partagent le même appartement, et elle s'en trouvait souvent attristée. Elle avait craint au début que leur relation en ferait les frais, mais non. L'envie de le retrouver était encore plus fort après l'éloignement de la journée et c'était toujours un plaisir de prendre du temps avec lui. Elle en avait besoin.

Elle s'installa plus confortablement et observa la salle se remplir progressivement. Parfois elle comblait le silence qui s'était installé, mais elle ne ressentait pas le besoin urgent de placer un mot après l'autre. C'était ce qu'elle préférait ; elle n'était pas obligée de parler pour se sentir bien.

- Oh. Le film va commencer. , annonça joyeusement.

Juste avant que le film ne commence, Raiden l'attira contre lui, l'invitant à poser sa tête sur son épaule. La jeune femme le fit, le sourire aux lèvres. Cela faisait tellement de bien de se nicher ainsi, alors qu'il passait un bras autour de sa taille pour venir la serrer tendrement. Le noir fut, tandis que le générique de début de film se lançait sur le grand écran en face d'eux.

Le film choisi se révela amusant et énergique : Katherine ne s'ennuyait pas et n'avait pas envie de dormir, ce qui était une bonne chose. Durant la scéance elle se tourna souvent vers le jeune homme, lui souriant et se fondant un peu plus encore dans le creux de ses bras. Les autres spectateurs, eux, riaient aux éclats, aux crasses que pouvaient commettre les enfants de « l'héroïne ». Elle riait aussi, étouffant simplement ce son en plaquant, devant ses lèvres, sa main. Elle avait pris cette habitude étant petite, sans qu'elle sache la raison exacte de ce geste récurent.


La séance finie et après avoir passé un agréable moment à visionner le film, étreinte par Raiden, la musicienne s'extirpa avec regret de son siège. Sortant tous deux de la salle, elle pivota sur sa gauche pour se diriger vers un petit café au sein du cinéma, qu'elle avait repéré en arrivant ici. Ce ne serait pas plus mal de s'hydrater un peu alors qu'il venait de passer plus d'une heure dans la pièce de diffusion. Un petit creu avait fait son apparition dans l'estomac de la demoiselle, et elle ne se refuserait pas un encas en même temps qu'une boisson.

Prenant place à une table située au fond, Katherine s'assit en face de son compagnon. Passant commande, elle prit un soda et une glace constituée de nombreuses boules aux différents parfums classiques ou exotiques. Elle avait faim. Depuis quelques semaines elle ne faisait que ça : manger encore et encore, comme si son corps cherchait à ratraper tous les repas sautés auparavant. Mais elle savait, pour avoir quelques souvenirs des grossesses de sa mère, que c'était tout à fait normal de se subsenter autant. Elle mangeait pour deux. Et Raiden semblait avoir remarqué ce changement radical au niveau de ses repas, puisqu'il affichait un sourire ravi.

- Le film était vraiment sympathique ! , s'exclama-t-elle, tentant de lui faire oublier qu'elle mangeait... beaucoup.

L'annonce de cet évènement avait profondément bouleversé la demoiselle. Après un mois, elle avait cependant réussi à accepter les conséquences, malgré une peur récurente qu'il lui arrive quelque chose. Elle était née avec quelques faiblesses qui continuaient encore de l'affaiblir par moment, aussi craignait-elle que quelque chose se passe mal. Le jeune homme veillait donc constamment sur elle.

- La matinée est déjà bien entamée, mais je suis tout de même contente d'avoir vu ce film. C'était très divertissant. Et puis, on a encore toute une après-midi pour profiter de l'extérieur.

Le serveur amena leur commande, et elle débuta sans attendre à piquer dans sa glace, appréciant la fraicheur de ce met. Elle avait peut-être souvent faim, mais elle n'avait pas perdu sa bonne éducation : elle mangeait correctement sans se goinfrer.

- D'ailleurs j'ai une idée pour plus tard. Mais profitons tranquillement, pour l'instant. , ajouta-t-elle, le sourire aux lèvres.

La jeune femme lia ses doigts avec ceux de son compagnon, continuant de sa main libre à déguster sa glace qui comblait enfin le creux qui s'était installé dans son ventre durant la séance. Le fait de manger autant alors que Raiden n'avait pris qu'une simple boisson la mettait plus que de raison dans l'embarras. Il y a quelques années elle ne s'en serait pas formalisée ; elle était gourmande elle en avait conscience. Mais elle n'avait recommencé que depuis peu à manger « normalement », les paroles de sa meilleure amie lui revenaient en mémoire et prenaient donc sens. Même s'il n'était pas le genre d'homme à lui reprocher ce genre de choses futiles, elle n'était plus celle qu'elle était auparavant, aussi indifférente aux regards des autres, aussi libre et forte qu'elle avait pu l'être.

A travers ses cils, Katherine apperçut le bref mouvement du corps de son aimé. Le fixant de ses mirettes bleutés, elle s'arrêta de manger après avoir pris une einième bouchée de glace - elle était désormais passée à un sorbet citron qui était délicieusement raffraichissant. Quand il avança son visage près du sien, elle étira son cou pour combler les quelques centimètres manquants et apposa ses lèvres sur leurs jumelles. Les siennes étaient froides dûes à ce qu'elle venait de manger, celles de Raiden paraissaient donc tièdes, d'une chaleur rassurante qu'elle ne manquait pas d'apprécier. Lorsqu'ils se séparèrent, elle sourit aux paroles qui suivirent. Elle était plus qu'heureuse que la confiance qu'il lui portait était telle, qu'il lui accorderait tout ce qu'elle proposerait. Elle n'était pas du genre à en abuser ; et il n'était pas du genre à lui refuser quelque chose.

- Je ne t'en demanderais pas plus que d'habitude.

La jeune femme appuya son visage sur l'une de ses mains, tandis qu'elle piochait à nouveau dans sa coupe de glace. Jetant un bref regard à la portion de sorbet qui s'amoncelait sur sa cuilière, elle se redressa et tendit le bras vers l'autre bout de la table. Dans une question silencieuse elle proposa à son compagnon cette bouchée. Elle ne fut pas surprise qu'il l'accepte, puis les autres qu'elle lui présentait, un doux sourire accroché au visage.

- Je pensais qu'on pourrait aller à la plage ... ? Il fait beau, et ça fait longtemps que nous ne sommes plus allés à la mer. Oh ; j'ai prévu pour les affaires.

D'un geste bref de la main elle désigna le sac qui ne la quittait pas et où elle avait fourré le strict minimum pour une sortie de ce type. Elle laissa le silence retomber, avant de trouver cela gênant. S'éclaircissant la voix, elle tenta une approche timide :

- Sinon... toi ça va ? J'ai l'impression de ne jamais te demander si tout va bien de ton côté.